Le
Crâne
Le crâne, siège de la pensée,
et donc du commandement suprême, est le chef des quatre centres,
par lesquels les Bambara résument leur représentation macrocosmique
de l'Homme ; les trois autres centres étant situés à
la base du sternum, au nombril et au sexe. Sur les autels de la société
initiatique Korê, quatre poteries, pleines d'eau céleste,
recueillie à la première et à la dernière pluie
de l'année, figurent ces quatre points ; la poterie centrale, représentant
le crâne, contient quatre pierres de tonnerre qui matérialisent
le feu céleste, expression de l'esprit et de l'intelligence de Dieu,
et son avatar microcosmique, le cerveau humain, forme de l'œuf cosmique
et comme lui matrice de la connaissance.
Dans de nombreuses légendes
européennes et asiatiques, le crâne humain est considéré
comme un homologue de la voûte céleste. Ainsi dans le Grimnismâl
islandais, le crâne du géant Ymir devient à sa mort
la voûte du ciel ; de même, selon le Rig-Veda, la voûte
céleste est-elle formée du crâne de l'être primordial
établit justement un parallèle entre la valorisation de la
verticalité sur les plans du macrocosme social (les archétypes
monarchiques), du macrocosme naturel (sacralisation des montagnes et du
ciel), et du macrocosme humain ; ce qui explique aussi bien les innombrables
formes du culte des crânes (crânes des ancêtres ou crânes
trophées) que les analogies cosmogénétiques, ci-dessus
mentionnées. De la même loi d'analogie entre le microcosme
humain et le macrocosme naturel procèdent les assimilations des
yeux aux luminaires célestes et du cerveau aux nuages du ciel.
Le culte du crâne n'est pas
limité à l'espèce humaine. Parmi les peuples de chasseurs,
les trophées animaux jouent un rôle rituel important, qui
est lié à la fois à l'affirmation de la supériorité
humaine, attestée par la présence au village d'un crâne
de grand gibier, et au souci de préservation de la vie : le crâne
est en effet le sommet du squelette, lequel constitue ce qu'il y a d'impérissable
dans le corps, donc une âme. On s'approprie ainsi son énergie
vitale.
Tite-Live, 23, 24, raconte que les
Gaulois cisalpins qui, en 216 av. J.-C., avaient surpris et détruit
dans une embuscade l'armée du consul romain Postumius, emportèrent
les dépouilles et la tête coupée de ce magistrat en
grande pompe. Son crâne, orné d'un cercle d'or, leur servit
de vase sacré pour offrir des libations dans les fêtes. Ce
fui aussi la coupe des pontifes et des prêtres du temple et, aux
yeux des Gaulois, la proie ne fui pas moindre que la victoire. Le symbolisme
du crâne rejoint celui de la tête, considérée
comme trophée guerrier, et celui de la coupe. Il faut mentionner
aussi les crânes des sanctuaires celtiques du sud de la Gaule : Entremont,
la Roquepertuse et Glanum (Saint-Rémy-de-Provence), qui étaient
accrochés à des entailles céphaliformes. Une salle
des crânes existait à Entremont. Avec sa situation au sommet
de la tête, sa forme de coupole, sa fonction de centre spirituel,
le crâne est souvent comparé au ciel du corps humain. Il est
considéré comme le siège de la force vitale du corps
et de l'esprit... En tranchant la tête du cadavre... en conservant
le crâne par-devers lui... le Primitif a atteint plusieurs buts :
d'abord celui de posséder le souvenir le plus direct, le plus personnel
du défunt, puis celui de s'approprier sa force vitale el ses effets
bienfaisants pour le survivant. En accumulant les crânes, ce soutien
spirituel prend de l'ampleur... De là, ces monticules de crânes
découverts par certaines fouilles. De là aussi, l'utilisation
du crâne, réceptacle de la vie à son haut niveau par
les alchimistes dans leurs opérations de transmutation.
Dans la franc-maçonnerie,
il symbolise le cycle initiatique : la mort corporelle prélude de
la renaissance à un niveau de vie supérieur et condition
du règne de l'esprit. Le symbole de la mort physique, le crâne,
est l'analogue de la putréfaction alchimique, comme le tombeau est
celui de l'athanor : l'homme nouveau sort du creuset où le vieil
homme s'anéantit pour se transformer. Le crâne est souvent
représenté entre deux tibias croisés en X, formant
une croix de saint André, symbole de l'écartèlement
de la nature sous l'influence prédominante de l'esprit et, en conséquence,
symbole de perfection spirituelle.
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