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Celui
qui hait la lumière. Démon de la littérature médiévale,
qui assiste le docteur Faust, dès lors que celui-ci livre son âme
au Prince de l'Enfer. Amer et sarcastique, son ironie cache la douleur
désespérée de la créature d'essence supérieure
qui, privée du Dieu pour lequel elle était faite, se trouve
désormais partout prisonnière de l'enfer. Ce démon
se fait reconnaître - certains ont cru à tort retrouver ses
traits dans le rictus d'un Voltaire vieilli - à sa froide méchanceté,
à ce rire amer qui insulte aux larmes, à la joie féroce
que lui cause l'aspect des douleurs. C'est lui qui, par la raillerie, attaque
les vertus, abreuve de mépris les talents, fait mordre sur l'éclat
de la gloire la rouille de la calomnie... c'est, après Satan, le
plus redoutable meneur de l'enfer
Goethe a transformé le personnage médiéval de Méphistophélès en un symbole métaphysique. Pour que l'humanité ne s'endorme pas dans une paix trompeuse et affadissante, Méphistophélès reçoit de Dieu la liberté de jouer dans le monde le rôle de l'inquiétude féconde et créatrice. Il a donc sa place dans l'évolution progressive, comme un des facteurs essentiels, fûtil négatif, de l'universel devenir. "Je suis une part des forces qui veulent toujours le mal et sans cesse créent le bien" dit-il à Faust. Mais la vision harmonieuse de ce progrès échappe à son intelligence limitée: il croit conduire les hommes à là damnation, alors qu'au terme des aventures où il les engage, c'est le salut qu'ils découvrent. Le mystificateur est mystifié. L'analyse pourra voir en Méphistophélès la tendance perverse de l'esprit, qui n'éveille les forces de l'inconscient que pour y puiser des pouvoirs et des satisfactions, au lieu de les intégrer dans un ensemble harmonieux d'actes humains. C'est l'apprenti sorcier qui joue avec l'inconscient et qui ne l'élève à la lumière de la conscience que pour mieux bafouer la conscience. Celle-ci, éveillée par lui, devra secouer le joug du faux maître et se constituer elle-même selon sa voie propre: l'éveilleur deviendra la dupe magnifique. Méphistophélès
symbolise encore le défi de la vie, avec toutes les équivoques
qu'il comporte. Faust n'avait pas réussi à vivre pleinement
une part importante de sa jeunesse. Il était resté en conséquence
un être incomplet, à demi irréel, qui se perdait dans
une vaine quête métaphysique, dont les objets ne se réalisaient
jamais. Il répugnait encore à faire face au défi de
la vie, à en éprouver le mal autant que le bien. C'est cet
aspect de son inconscient que vient exciter et illuminer Méphistophélès.
Ce rappel du côté obscur de la personnalité, de l'énergie
qu'il représente et de son rôle dans la préparation
du héros aux luttes de la vie est une transition essentielle...
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